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Le référendum n'est pas une erreur

L'erreur fondamentale de la stratégie indépendantiste n'a pu être la tenue d'un référendum en tant que tel. Demander au peuple de se prononcer directement sur une question politique restera toujours la façon la plus démocratique et légitime d'obtenir son appui. Dans le cas d'un changement de régime politique, c'est la seule méthode qui vaille.

Selon moi, s'il y a eu un problème, il se trouvait plutôt au niveau de la fameuse question référendaire. Non pas au niveau de sa clarté, qui ne peut faire l'objet d'un questionnement sérieux à moins d'être politiquement intéressé et démagogue à souhait, mais plutôt au niveau de son contenu. Sans le vouloir, le Clarity Act du gouvernement d'Ottawa nous aura permis de bien réfléchir à la question de la question. C'est à mon avis une grave erreur de la part des nationalistes canadian, erreur qu'ils payeront de leur défaite au prochain référendum.

Mon opinion est qu'en 1995, comme en 1980, nous avons fait la même gaffe : nous avons demandé aux Québécois s'ils voulaient d'un pays dont on ne leur a jamais parlé.

Pour faire un choix face à une question de type référendaire, il est nécessaire, en toute logique, que l'on nous présente un minimum de deux options. Le Canada, en tant que pays souverain, existe déjà. Il a sa constitution, ses institutions, son hymne national, ses chèques de vieillesse, son supposé fédéralisme, ses provinces etc. Il existe en tant qu'entité politique indépendante. Les Québécois connaissent cette option.

Le Québec souverain, lui, reste à faire. Il nous faut donc, pour offrir une alternative au Canada, pour offrir un autre choix, définir les contours de ce nouveau pays du Québec. L'erreur stratégique des souverainistes a été de demander aux Québécois de choisir entre le Canada et quelque chose d'indéfini. Deux fois de suite en plus. Il a été très facile pour nos adversaires d'exploiter cette lacune.

Parce que nous n'avions pas de projet politique précis et détaillé, nos adversaires en ont inventé un pour nous. Le Québec, devenu indépendant, deviendrait une République de bananes, le Québec serait un gouffre économique, il serait annexé par les État-Unis, il serait le tiers-monde. Pire encore, on ne s'est pas gêné pour aller plus loin, trop loin, pour faire dans l'impensable, l'absurde, l'ignoble, le malhonnête, en exploitant la mémoire de l'humanité, en évoquant le régime totalitaire, le système politique garantissant la pureté de la fictive « race québécoise ».

Voilà le prix que nous avons payé pour n'avoir pas défini les contours du pays que nous voulons, pour avoir toujours répondu que tout serait décidé après le référendum. Ça, c'était donner carte blanche aux plus mesquins de nos opposants. C'était aussi demander aux Québécois d'avoir une confiance aveugle en leurs chefs politiques.

Même s'ils ne sont pas nécessairement amoureux de la fédération canadienne, beaucoup de Québécois ne sont pas prêts à donner un chèque en blanc à des politiciens, qu'ils soient de Québec ou d'Ottawa, de gauche ou de droite. Depuis le temps que les Québécois se font fourrer d'un bord comme de l'autre, il ne faut pas s'étonner de leur méfiance. Je constate que pour beaucoup d'entre eux, même chez les indépendantistes, il n'est pas question de leur donner la liberté de nous flouer une énième fois.

En septembre 1992, les Français ont voté par référendum en faveur du traité de Maastricht sur l'Union européenne. Ce traité établissait clairement la nature des nouvelles institutions politiques et économiques de l'Europe et les pouvoirs supranationaux de ces dernières. Les Français, les Allemands, les Espagnols, les Grecs etc. ont donc eu le choix entre le statu quo, qu'ils connaissaient, et le nouveau cadre politique que l'on avait défini dans un traité signé quelque 6 mois plus tôt.

Si je vous demandais « Voulez-vous remplacer votre Hyundai Poney locative par une autre voiture? », vous me répondriez fort probablement « Ça dépend laquelle et à quelles conditions. » .

Si par contre je vous demandais « Voulez-vous remplacer votre Hyundai Poney locative par une luxueuse berline de votre choix, dont vous serez l'unique propriétaire, et sans un sous de plus? », vous me répondriez assurément « Où est-ce que je signe? ».

Si, la prochaine fois, nous organisons une assemblée constituante responsable de rédiger notre première constitution, d'établir une citoyenneté québécoise et de produire un calendrier de transfert des pouvoirs, nous aurons enfin la liberté de demander aux Québécois et aux Québécoises de choisir entre une République qui leur appartiendra en propre et une province qui ne leur appartient pas, ne leur a jamais appartenu, ne leur appartiendra jamais. Le choix sera facile à faire pour la majorité d'entre nous, j'en suis sûr.

Mathieu Gauthier-Pilote,
Membre du Parti Québécois et du RIQ
Le 20 décembre 2003