Pour une élection référendaire légitime
Réforme du mode de scrutin et assemblée constituante
Le parlement colonial d'inspiration britannique dont nous avons hérité au Québec n'a pas toute la légitimité qu'il faut pour déclarer l'indépendance de façon unilatérale, sans consultation. La méthode employée par les députés du Canada-Uni pour créer la fédération canadienne n'était pas démocratique et ne le sera jamais. Les vrais libéraux et les républicains de l'époque ont demandé la tenue d'un référendum sur l'adoption du nouveau régime politique soi-disant confédéral. Ils ne l'ont pas obtenu évidemment.
Depuis la création du système fédéral et de la province de Québec, les gouvernements québécois sont généralement mis au pouvoir par une minorité d'électeurs. La démocratie, c'est 50% + une voix, nous n'arrêtons pas de le dire nous-mêmes. Comment est-il possible de justifier une élection référendaire dans ces conditions?
Non, dans ces conditions-là, ce n'est pas possible. Cependant, malgré cette vérité incontournable, il existe, à mon humble avis, une façon toute simple de changer cet état de fait pour être en mesure de tenir une élection référendaire qui soit légitime. Il suffit de tenir cette élection référendaire après avoir réformé notre mode de scrutin pour que la redistribution des sièges de l'Assemblée nationale se fasse à la proportionnelle. Un scrutin proportionnel nous donnerait une Assemblée nationale véritablement représentative du peuple. Les partis politiques prônant l'indépendance nationale se verraient forcer de s'unir pour former une coalition non-partisanne et être en mesure d'accéder au pouvoir. Suite à une telle réforme, un gouvernement séparatiste élu serait beaucoup plus difficilement attaquable par ses adversaires politiques, car il serait issu d'une coalition de partis dont les bases électorales combinées seraient assurément majoritaires. Un tel scénario nous donnerait littéralement le gouvernement le plus légitime de l'histoire du Québec. Aux lendemains d'une telle élection, nous serions en droit de parler au nom de la majorité des Québécois.
Dans cette optique, je propose ceci :
- Que le Parti Québécois, qui est le seul parti politique indépendantiste capable de faire élire des députés dans le système actuel, s'engage formellement et définitivement, de un, à remplacer notre mode de scrutin pluralitaire et uninominal à un tour par un mode de scrutin proportionnel régional, et, de deux, à nous donner une carte d'électeur, et tout ça, dès son arrivée au pouvoir.
- Qu'il s'engage finalement à déclencher de nouvelles élections immédiatement après ces réformes.
En faisant cela, le Parti Québécois indiquerait clairement ce que M. Bernard Landry a déclaré à quelques reprises, c'est-à-dire qu'il n'est plus intéressé par la gouverne de la province de Québec. Par la réforme du mode de scrutin, le PQ compléterait l'entreprise de démocratisation du système politique québécois débutée par René Lévesque en 1977 et non-complétée suite à une mauvaise décision du Conseil des ministres en 1984. En réparant une vieille erreur du passé, il ferait amende honorable et gagnerait énormément en crédibilité aux yeux de la population. Avec une réforme électorale, il libérerait le vote indépendantiste qui est statistiquement plus important que le vote péquiste et peut-être même sous-estimé depuis 40 ans.
À l'élection suivante, une année et demi ou deux plus tard tout au plus, les divers partis politiques indépendantistes pourraient enfin se regrouper le temps de tenir une campagne électorale référendaire portant sur le déclenchement du processus d'accession à l'indépendance par la création d'une assemblée constituante. Puisque cette démarche ne présuppose plus qu'il faille donner son vote à un seul parti politique, en l'occurrence le Parti Québécois, il n'est pas fou de penser qu'elle pourrait donner naissance à la mobilisation citoyenne dont nous avons besoin pour remporter la bataille. Les Québécois indépendantistes suivront le chemin qu'ils peuvent éclairer eux-mêmes, celui qui les fera ne plus dépendre des bonnes promesses des politiciens provinciaux.
L'assemblée constituante québécoise se chargerait d'asseoir la souveraineté de notre nation sur des piliers légaux en rédigeant la constitution d'un Québec indépendant. Durant cet exercice, tous les partis politiques de même que tous les citoyens et groupes sociaux seraient invités à soumettre leurs propres propositions constitutionnelles. Après plusieurs mois de consultations, de débats et de laborieux travaux, l'assemblée présenterait cette loi fondamentale au peuple, laquelle serait par la suite soumise à son approbation par référendum. La prochaine question référendaire pourrait alors être :
« Voulez-vous que l'Assemblée nationale adopte la Constitution du Québec rédigée par l'assemblée constituante en date du ..., faisant ainsi de la province de Québec un État indépendant? »
...de meilleures suggestions?
Comment voulez-vous que nous perdions un référendum opposant la République libre du Québec au système néo-colonial Canadian?
Mathieu Gauthier-Pilote,
Membre du Parti Québécois et du RIQ
Le 28 novembre 2003